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Pourquoi, en tant que parents, sommes-nous inquiets lorsque notre jeune nous explique – parfois sans y mettre les formes, certes 😉– qu’il veut faire une année de césure ?

Que ce soit par choix ou par obligation, pour voyager, travailler, s’engager, souffler… cela nous angoisse et fait émerger immédiatement tout un tas de questions : et s’il ne pouvait pas ensuite reprendre une vie normale (« normale » ?) ? Et s’il ne voulait pas se remettre au travail ? Comment va t’il justifier cela sur son dossier, expliquer ce « trou » dans son CV à de futurs employeurs ?

Car c’est à cela que renvoie de manière assez générale la césure en France (précision importante tant les réalités sont différentes dans d’autres pays du monde) : un « trou ». Une rupture, une cassure, un vide. Et la représentation assez facilement associée est celle d’un jeune un peu apathique, avachi sur un canapé devant des jeux vidéo ou bien en train de faire la fête dans un bar survolté à l’autre bout du monde…

Perte de temps, gâchis, à l’opposé de nos rêves pour notre progéniture ☹

Et pourtant, de quoi rêvons-nous souvent secrètement lorsque nos vies s’emballent, que nous sommes pris entre contraintes professionnelles et impératifs sociaux et familiaux ? Pour beaucoup de suspendre momentanément le cours de choses, d’une trêve qui nous permette de respirer, de recharger nos batteries pour pouvoir ensuite donner la meilleure version de nous-mêmes…

Mais alors, pourquoi nos jeunes ne pourraient-ils pas eux aussi en rêver et, pour les plus courageux, oser en parler ? Leurs journées ne sont-elles pas assez fatigantes, leurs préoccupations face à l’avenir injustifiées, leurs hésitations – dans cette période de transition vers la vie d’adulte – illégitimes ?

Oser demander une pause, c’est être suffisamment connecté à soi pour sentir que l’on en a besoin. C’est être suffisamment courageux pour s’autoriser à ne pas forcément répondre aux multiples attentes. Et dans un monde où il est de plus en plus difficile de ralentir, de se concentrer et de se connecter à soi, c’est exprimer un véritable choix. Car si l’immédiateté et l’accélération du temps sont très appréciables pour se faire livrer une pizza (et dans de nombreuses autres occasions !), reconnaissons que ce n’est pas l’idéal pour construire ses relations aux autres, prendre du recul, construire durablement sa vie…

C’est notre propre rapport au temps que vient bousculer la volonté de notre jeune de prendre le sien. Et même si nous rêvons de faire une pause, si nous savons au fond de nous que cela peut être une véritable chance, nous avons parfois du mal à accepter cette fichue demande de césure ! Il faut bien reconnaitre qu’en dehors des pauses reconnues socialement – celles qui sont prises pour les autres (mettre au monde un enfant, l’élever, accompagner un proche en fin de vie), prendre une pause pour soi est encore difficile. Nous savons pourtant que la pause est une partie importante de nombreux processus : sans pause la pâte du boulanger ne lève pas, sans pause le match de foot n’est qu’épuisement, sans pause la journée de travail est interminable, sans pause la mélodie devient litanie…

Faire une pause dans son parcours quand on jeune offre pourtant beaucoup de possibilités.

Pour certains, la pause… s’impose ! Il est parfois urgent de faire baisser le stress, de relâcher la pression, de « remettre à demain ce qui aujourd’hui est de trop »[1].  Submergés par leurs peurs et leurs émotions, d’autres peuvent être empêchés d’avancer. Pour d’autres encore, c’est une re-création, un temps pour construire le meilleur d’eux-mêmes.

Prendre une pause, ce n’est pas mettre sa vie entre parenthèses loin d’une vie réelle. Bien au contraire, en explorant le monde, en s’engageant pour les autres, en travaillant… ce sont de multiples occasions de faire du lien, de faire des liens, de prendre le temps de se découvrir, de comprendre, d’apprendre, de grandir, de se transformer, de prendre sa vie en mains !

La césure permet d’acquérir de nouvelles compétences, d’enrichir son parcours, et c’est d’ailleurs ainsi que la définit le ministère de l’Enseignement supérieur.[2]

Venant s’ajouter aux compétences académiques, la césure permet de développer les fameuses « soft skills », compétences durables et transférables qui servent tout au long de la vie et dans tous les domaines de la vie. Elle permet des expériences que la vie familiale et l’expérience étudiante ne mobilisent pas et constitue une phase de maturation essentielle :

  • En sortant de la routine, en explorant ses passions, cela permet de mieux comprendre ses aspirations et de définir ses objectifs de vie,
  • En plongeant dans le monde réel, c’est l’occasion de mettre en pratique ce que l’on a appris en théorie et d’y trouver un sens,
  • En rencontrant des gens différents, en vivant des situations inédites, en apprenant une langue étrangère, on enrichit son CV mais surtout sa vision du monde.

C’est aussi apprendre à s’adapter à des situations nouvelles et à communiquer avec des personnes ayant des perspectives différentes.

En accordant à nos jeunes le droit de s’offrir une pause, nous leur faisons le plus beau des cadeaux : celui de les autoriser à devenir eux-mêmes, à prendre le temps de construire leur avenir et « dans nos vies accélérées, à faire les plus beaux ralentis » …[3]

[1] Paroles empruntées à la chanson « Pause » de Malo’

[2] https://www.etudiant.gouv.fr/fr/faq-la-cesure-comment-ca-marche-1453

[3] Ibid. 1