Une recherche récente, publiée en novembre 2023[1], s’intéresse à l’influence de la surparentalité sur l’indécision professionnelle des jeunes.

S’appuyant sur plusieurs recherches antérieures sur l’incidence de la surparentalité sur la vie des enfants – parfois devenus grands ! – l’auteur s’intéresse spécifiquement à la période de l’orientation et cela fait particulièrement écho à l’expérience menée à l’Année lumière.

Sur le modèle danois des hojskole, nous accompagnons à temps plein des jeunes de 16 à 25 ans qui ont fait le choix de travailler pendant une année sur la construction de leur projet d’avenir, sur une année complémentaire à leur cursus académique. Il s’agit pour eux de prendre le temps de mieux se connaître (et de prendre soin d’eux), d’apprendre à faire leurs propres choix, de s’ouvrir aux autres et sur le monde pour bâtir leur projet et entreprendre leur vie avec enthousiasme.

Cela passe notamment par la prise de distance avec les souhaits projetés, les conseils – même éclairés… Et cela n’est pas toujours simple pour les parents des « Lumineux » que d’accepter cet éloignement imposé et pourtant tellement nécessaire. Nous le disons ici avec humilité et sympathie car, avant d’être professionnels de l’éducation, nous n’en sommes pas moins parents et connaissons nous-aussi les difficultés de l’autonomisation du jeune adulte comme étape décisive de son existence individuelle et du cycle de vie familiale. Nous avons même créé un espace dédié aux parents sur cette thématique : le Lab’lumière.

Les lycéens et étudiants se trouvent dans une période de leur vie où explorer et choisir activement la carrière qui convient à leurs capacités et à leur personnalité, planifier leurs perspectives et se fixer un objectif stable est leur tâche principale. Dans cette période, les adolescents et les jeunes adultes déclarent que le soutien parental est le facteur qui influence le plus leurs choix de carrière par rapport aux enseignants, aux pairs ou aux conseillers d’orientation[2].

Dans ce processus, le sentiment d’auto-efficacité en matière de prise de décision, c’est à dire la croyance que le jeune a en sa capacité de choisir sa vie, joue un rôle fondamental. Il influence le degré d’effort, de persistance et de réactivité émotionnelle aux premiers choix mais qui façonneront aussi ultérieurement les étapes de décisions rencontrées au cours du parcours professionnel.

Si le soutien lié à l’orientation fourni par les parents à leurs enfants, comme l’aide à la recherche d’informations sur les cursus d’études, les métiers ou les domaines d’activités, et l’amélioration de la connaissance de soi (intérêts, valeurs) est un atout indéniable, des niveaux inappropriés d’implication parentale peuvent au contraire conduire à ce que leurs enfants éprouvent du stress, de la confusion, de l’anxiété et davantage d’indécision lorsqu’ils choisissent une orientation.

Ces niveaux inappropriés, autrement appelés surparentage font référence à des comportements parentaux caractérisés par :

  • Une réactivité/un soutien excessifs,
  • Une demande/un contrôle excessifs,
  • Une faible autonomie accordée.

 

Ceux-ci se manifestent dans la vie de tous les jours par :

  • Une assistance et des conseils parentaux permanents,
  • Une résolution anticipée des problèmes – le fameux « parent curling » qui balaye tout obstacle qui pourrait se trouver sur la route de son enfant,
  • Une gestion des affaires au nom de l’enfant,
  • Des demandes redondantes d’informations,
  • Des contrôles trop fréquents…

L’étude démontre que l’implication parentale immodérée, même bien intentionnée, peut s’avérer contre-productive et devenir un facteur de risque qui entrave le développement de l’individu.

Elle confirme également que lorsque les parents donnent à leurs enfants plus d’opportunités d’être indépendants, les individus se sentent plus autonomes et plus soutenus. Leurs capacités d’adaptation, leur adaptation professionnelle et leur ajustement s’améliorent.

En revanche, l’excès d’exigence et de contrôle de la part des parents affecte la capacité de l’enfant à faire l’expérience de l’autonomie et entraine plus de confusion et d’hésitations.

Si les parents surparentaux ont des attentes élevées et accordent trop d’importance aux réussites de leurs enfants, ces derniers sont susceptibles d’intérioriser ces attentes élevées ce qui se traduit par un plus grand stress, dans une période déjà préoccupante pour eux et ce, même si leurs comportements nous laissent parfois penser le contraire…

Et lorsque les enfants perçoivent ces attentes comme irréalistes ou contraires à leurs désirs, la pression peut être plus forte encore. Du point de vue de l’adolescent, le surparentage peut être perçu comme écrasant, stressant, restrictif, intrusif ou contrôlant.

En tant que style parental restrictif et stressant, l’éducation surprotectrice peut entraver le besoin d’autodétermination, entraînant une autonomie frustrée et des sentiments de stress et de coercition, ce qui contribue au manque de confiance et de motivation des adolescents, notamment en matière d’orientation.

Les chercheurs notent qu’une pression plus élevée en matière d’attentes professionnelles interfère avec la prise de décision indépendante et individuelle, ainsi que l’autorégulation.[3] Alors parfois, s’aligner sur les attentes des parents peut être bénéfique à court terme puisque cela réduit l’impact de leur implication excessive…

Il est donc primordial de prévoir des espaces pour que nos jeunes puissent réfléchir à leur avenir sans pression inutile, pour qu’ils puissent prendre du temps en matière de développement personnel et augmenter leur auto-efficacité dans la prise de décision. Le programme de l’Année lumière se veut en ce sens une expérimentation d’accompagnement au service du projet d’avenir de chaque jeune.


[1] Wang Y. The Influence of Overparenting on College Students’ Career Indecision: A Moderated Mediation Analysis. Psychology Research and Behavior Management 2023, 16 : 4569-4582

[2] Paa HK, McWhirter EH. Perceived Influences on High School Students’ Current Career Expectations. Career Dev Q. 2000;49(1):29–44

[3] Yann F. Adolescents’ career indecision. Travail Humain. 2007;70(3):213–234 & Soenens B, Vansteenkiste M, Van Petegem S, Beyers W, Ryan R. How to Solve the Conundrum of Adolescent Autonomy?: On the Importance of Distinguishing Between Independence and Volitional Functioning. Psychology Press; 2017